La Gaule chevelue

La Gaule chevelue

Le pays des chevelus

par Serge Lathière

A force de lire "Les Aventures d'Astérix", on croyait tout savoir sur les Gaulois. Et pourtant... vestiges et textes ne sont pas légion et le pays des irréductibles ressemble souvent à une Gaule d'opérette, par Teutatès ! En avant pour un voyage chez nos ancêtres méconnus. Les "chevelus" comme les baptisa Jules César.


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Bibracte au Ier siecle av J-C

Alésia, automne 52 av. J.-C. Vercingétorix et son armée se morfondent sur une butte escarpée à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Dijon. Jules César a construit autour de la colline où se sont réfugiés les Gaulois deux lignes de remparts et de fosses hérissées d'épieux. Voilà un mois que les soldats de Vercingétorix essaient de percer les fortifications romaines. En vain. Il faut se rendre à l'évidence : c'est la fin.
Toutes les provisions sont épuisées. La famine guette. Et l'armée de secours - cette armée tant attendue ! - a été taillée en pièces par les légions de César.
Un matin de septembre, Vercingétorix se livre à son vainqueur. Le général romain exige une reddition totale. La rage au coeur, les assiégés viennent déposer leurs armes à ses pieds. Arvernes, Éduens, Bituriges, Bellovaques, Trévires... les uns après les autres, les peuples gaulois qui ont défié Rome se soumettent à son autorité. La « Gaule chevelue », comme l'appellent les Romains, entre définitivement dans le giron de la République. C'est un territoire immense qui s'étend des bords du Rhin jusqu'au golfe de Gascogne, du lac Léman à la Bretagne. Un espace divisé par Rome en trois régions : la Gaule Belgique au nord de la Seine et de la Marne, l'Aquitaine au sud de la Garonne, et entre les deux, la Celtique.
Dix millions de « chevelus », selon César, habitent ces trois provinces. Un chiffre à prendre avec des pincettes. Car, à l'époque, seuls les hommes en état de porter les armes sont recensés. On peut faire confiance à Jules, en revanche, lorsqu'il égrène les noms des peuples gaulois qu'il a rencontrés ou vaincus sur le champ de bataille : au total une soixantaine. D'où viennent tous ces gens ? Difficile à dire. Ils ne nous ont laissé aucune trace écrite de leur histoire. Les latins les appellent " Gaulois » et les Grecs " Celtes ». Originaires de l'Europe centrale, ils se sont installés au cours du Ier millénaire avant Jésus-Christ dans ce qui deviendra, beaucoup plus tard, la France et la Belgique. Depuis une vingtaine d'années, les archéologues recherchent frénétiquement les traces de leur présence. Plusieurs centaines de fermes ont été repérées du haut du ciel avec un petit avion : en Picardie, en Bretagne, en Bourgogne, en Ile-de-France... La photographie aérienne et les fouilles réalisées sur quelques sites ont livré deux informations essentielles : les Gaulois vivaient dans des fermes isolées en pleine campagne ou dans de petits villages ; leurs maisons n'étaient pas rondes comme le prétendait Strabon, le géographe grec, mais rectangulaires. Aujourd'hui, il ne subsiste de ces constructions que les trous des poteaux qui supportaient le toit et parfois des vestiges de murs. A partir de ces maigres indices et des quelques descriptions sommaires laissées par les chroniqueurs romains, les archéologues sont parvenus à reconstituer les habitations gauloises (voir encadré et dessin).

Photo aerienne de traces de maison gauloise
Vus du ciel, les contours d'une ferme gauloise à Neufmoulin (Somme).

De fragiles constructions

Les fermes gauloises sont en bois, en terre et en paille. La brique est inconnue et la pierre employée seulement par les Celtes de Bretagne. Les poteaux qui soutiennent la toiture sont en chêne ou en frêne. Ces essences de bois sont réputées pour leur dureté. Entre les pieux, un treillis de branches de noisetiers forme l'armature des murs. Sur ce squelette de bois, le maçon plaque un mélange de sable, d'argile, de paille et de poils de chèvres : le torchis. Le toit est en paille et très pentu. Il n'y a pas le choix. Sinon l'intérieur de la maison se transforme en baignoire à la moindre averse. La porte est basse. Les fenêtres ? Quelles fenêtres ? Il fait trop froid l'hiver pour ouvrir la maison à tous les vents ! Pas de cheminée non plus puisque le chaume laisse passer la fumée.
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Des maisons et greniers, il ne reste que la trace des trous de poteaux (sur la droite).

A proximité de sa maison, le paysan gaulois installe son grenier : une petite hutte montée sur pilotis. Les quatre poteaux (parfois six ou neuf) qui soutiennent le grenier sont épais et plantés serrés pour pouvoir supporter les récoltes entreposées. Quatre disques de pierre coincés entre les poteaux et la cabane à grains empêchent les rats et autres campagnols de se remplir la panse aux frais de la princesse. Aujourd'hui, il ne reste rien de ces huttes et pilotis. Seule persiste la trace des trous de poteaux dans le sol. Un indice bien maigre mais qui suffit aux archéologues pour repérer sans se tromper l'emplacement des greniers dans les villages.

La campagne, au Ier millénaire avant Jésus-Christ, n'est pas très différente de la nôtre. La Gaule couverte de forêts est un mythe. Cela fait belle lurette que les paysans du Néolithique (6000-1800 av. J.-C.) puis ceux de l'âge du bronze (1800-750 av. J.-C.) et du premier âge du fer (750-450 av. J.-C.) ont déboisé la France pour la mettre en culture. Les Gaulois ne font qu'utiliser ou agrandir les champs de leurs prédécesseurs. Le blé, le millet, l'orge sont cultivés un peu partout. On laboure à l'automne avec l'araire. une sorte de charrue primitive que les Gaulois attellent à une paire de boeufs. A l'été, hommes et femmes se retrouvent dans les champs pour les moissons. Un boulot pénible : les blés sont coupés à la faucille! Pour se faciliter la tâche, les Gaulois ont inventé la moissonneuse.

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Les Trévires de Gaule Belgique utilisaient une moissonneuse primitive pour faucher leurs blés.

L'engin est rudimentaire - simple caisse montée sur deux roues et garnie à l'avant de lames en fer pour cisailler les tiges - mais il économise déjà bien des suées. Les archéologues ont identifié, à proximité des fermes, les traces des greniers où les Gaulois entreposaient leurs récoltes (voir encadré et dessin). Avec le blé, les paysans fabriquaient un pain d'excellente qualité. Lisez donc le traité de géographie de ce vieux Strabon. Vous verrez avec quelle émo-tion - dans la plume - il évoque les miches gauloises ! Le pain accompagnait tous les repas, qui se prenaient assis et non couchés comme chez les Romains. Le même Strabon précise que les mangeurs avaient les fesses posées sur des litières de paille. Mais il ne mentionne pas de table. Et aucune n'a été retrouvée lors de fouilles. Les Gaulois ripaillaient-ils par terre ? Peu probable. Le temps tout bonnement a fait son oeuvre : comme la charpente de la maison, le mobilier en bois a pourri depuis longtemps.


Gaulois et araire
Les Gaulois labouraient leurs champs avec une araire, charrue archaïque garnie d'un soc en fer pour tracer un sillon, mais sans versoir pour retourner la terre.

La cuisine celte est plutôt bourrative : pois, fèves, lentilles, choux et navets sont les légumes de base. Pas de frites, donc la patate ne sera importée d'Amérique qu'au XVIe s. - mais des steaks saignants et de belles cotelettes : les Gaulois élèvent des vaches et surtout des porcs et des moutons. Quelques espèces plus originales comme la chèvre ou... le chien agrémentent de temps en temps la table gauloise. Le miel et les fruits (pommes, poires, cerises, prunes...) sont les seules sucreries connues. Pour faire passer le tout, les Gaulois se rincent le gosier à la cervoise, une bière forte obtenue par la fermentation de l'orge.
Et les cuissots de sangliers alors ? Une faribole à mettre sur le compte de Goscinny, le père d'Astérix. Patrice Meniel, chercheur au CNRS, a fouillé de fond en comble les poubelles des villages gaulois dans le nord de la France. Il a découvert des fosses remplies à ras bord d'ossements animaux : cochon, boeuf, mouton pour l'essentiel et quelques restes de volaille : oie, , canard, poulet... Le gibier ne représente que 1 % seulement des vestiges alimentaires. Il s'agit surtout de lièvres et de temps en temps de cerfs ou de chevreuils. Pas de traces de sanglier. Ce qui ne veut pas dire que les Gaulois ne le chassaient pas. Simplement cet animal n'entrait pas dans l'alimentation quotidienne.

Cuisiner un morceau de boeuf, cultiver un champ de blé, construire une maison... toutes ces activités exigent des outils. A l'origine, chaque paysan gaulois fabriquait tout ce dont il avait besoin. Mais au fil du temps, les plus doués d'entre eux sont devenus des artisans spécialisés, vivant de leur savoir-faire. A l'époque gauloise, les objets en fer sont à la mode. Pensez donc : ils sont beaucoup plus solides que le bronze et tellement moins chers. On trouve du fer partout en France alors que pour fabriquer du bronze, il faut faire venir l'étain de Cornouailles et le cuivre d'Europe Centrale.
Les fouilles de Bibracte, au XIXe s., ont livré des caisses entières d'objets en métal. A l'époque de César, la cité perchée sur le mont Beuvray (Bourgogne) a déjà un siècle d'existence. C'est une vraie ville gauloise avec son quartier commerçant, ses lieux de culte, son marché aux bestiaux et sa zone résidentielle où habitent de riches propriétaires terriens. Le tout entour d'un solide rempart de terre et de bois. Comment en est-on arrivé là ? Les ar-chéologues constatent l'apparition en Gaule au IIe s. av. J.-C. de véritables bourgs avec des rues et des ateliers. Un peu plus tard. sans que l'on sache vraiment pourquoi (il n'y a pas de traces d'invasion ou de violence particulière à cette période), ces petites bourgades de plaine sont abandonnées au profit de villes fortifiées construites en général sur des hauteurs.
La Come-Chaudron à Bibracte était un quartier chaud : artisans du fer et bronziers y tenaient devanture. Dans leurs ateliers, on a retrouvé les outils de travail : pinces, pelles à feu, marteaux, enclumes... Le maréchal-ferrant fabrique l'essentiel de l'outillage agricole de l'époque : serpe, faux, faucilles, haches et houes. Pour les ustensiles de cuisine, il faut faire ses emplettes chez le bronzier, un as du chaudron et un orfèvre : torques, fibules (ZOOM), miroirs, fourreaux d'épées et de poignards sortent aussi de sa boutique. Les armes proprement dites restent la chasse gardée du maréchal-ferrant. Et il ne chôme pas, le bougre, tant la demande est grande. La guerre est en effet la grande passion des Gaulois.
Quand ils ne se battent pas entre eux, ce sont les Romains ou les Germains qui trinquent. Pendant les rares années de paix, chaque guerrier a le devoir d'entretenir sa forme physique. Gare à celui qui abuse de la cervoise ! La tribu l'oblige, de gré ou de force, à retrouver une silhouette fil de fer. A l'origine, tout le monde n'a pas le droit de se battre. C'est un privilège, un honneur réservé aux chevaliers. Seuls ces grands propriétaires terriens sont assez riches pour se payer la panoplie complète du combattant celte : casque, bouclier, épée, lance et cheval. Mais assez vite, en raison peut-être du nombre grandissant de conflits entre peuples voisins, les gens de la plèbe - petits paysans et artisans - prendront à leur tour les armes.
Qui décide de la guerre ? Les chefs de tribus, depuis toujours. Au Ier s. av. J.-C. ils se réunissent en assemblée pour se mettre d'accord. Lorsqu'une majorité se prononce pour les hostilités, la troupe se met en marche. Avant le départ, les druides vérifient, par quelques rites magiques, que les dieux aideront les Gaulois à triompher de l'ennemi. Le plus souvent, Ésus et Teutatès se montrent bienveillants. Les dieux adorent les grandes batailles où le sang celte coule à flots. La météo est le seul véritable obstacle à la frénésie guerrière : on ne se bat jamais en hiver. La neige gêne les déplacements des troupes et il n'y a pas de pâturage pour les chevaux ni de nourriture pour les hommes.


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Soldat gaulois du Ier siecle av J-C

A Rome, les soldats gaulois passaient pour des brutes féroces. Ne disait-on pas qu'ils collectionnaient chez eux les têtes de leurs ennemis ? Quelle horreur ! En fait, couper la tête de ses adversaires est une coutume vieille comme le monde. En leur temps, les Assyriens, les Grecs et les Latins l'ont pratiquée eux aussi. Les vétérans gaulois montraient leur collection de crânes comme aujourd'hui les anciens combattants arborent leurs brochettes de médailles : ces têtes parfumées - on les embaumait à l'huile de cèdre - témoignaient de leur bravoure au combat. Le courage des Celtes était notoire dans les rangs des légions qui avaient eu à se battre contre eux. Leur mépris de la mort, surtout, fascinait les Romains. Mourir dans son lit était en effet une honte pour les Gaulois. Ils marchaient au combat sans frémir, gonflés à bloc par leurs croyances religieuses (voir encadré). Depuis tout petit, les druides leur enseignaient que la mort n'était qu'un passage vers une autre vie, un autre corps. Alors pourquoi avoir peur ?

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Soldat gaulois du IIeme siecle av J-C

En quatre siècles de confrontation, Rome connaîtra plusieurs défaites cinglantes face à ces hommes intrépides. Pendant un temps, la bravoure gauloise compensera l'art consommé de la guerre des Romains. Mais à partir du IIe s. avant notre ère, la plupart des batailles se soldent par la défaite des Celtes, en dépit des progrès tactiques acquis au contact de leurs adversaires. Alésia sera la dernière grosse déculottée. Jusqu'au règne d'Auguste, la Gaule restera une province turbulente, agitée par des révoltes sporadiques ici ou là. Il faudra une quarantaine d'années aux légions romaines pour pacifier définitivement le pays et ouvrir la voie à un nouvel art de vivre, mélange des cultures celte et latine : la civilisation gallo-romaine.




Des sacrifices dédiés aux dieux

La nation des Gaulois est, dans son ensemble, passionément vouée aux choses de la religion. Il y a encore vingt ans, cette affirmation de Jules César n'avait guère trouvé de confirmation archéologique. L'essentiel de nos connaissances sur la religion gauloise d'avant la conquête provenait du best-seller de Jules : La Guerre des Gaules. Le général romain consacre quelques paragraphes aux druides qu'il présente comme des personnages eminents et respectés de tous les Gaulois. Et pour cause : ces hommes sont à la fois prêtres, juges, profs, philosophes et scientifiques !
Une famille se dispute-t-elle l'héritage du père défunt ? Le différend se règle chez le druide. Un crime épouvantable a-t-il été commis ? C'est encore le druide qui décide de la peine à infliger à l'assassin. Il est le juge suprême de tous les conflits. Quand ils ne sont pas occupés par ces besognes terre à terre, les druides ont la tête dans les nuages : ils étudient le mouvement des astres, peaufinent le calendrier celte, interprètent la volonté des dieux...
Au sommet de la hiérarchie divine trône Teutatès, le chouchou des Gaulois. C'est le dieu des commerçants et des artistes, le guide Michelin des voyageurs, le bouclier céleste de la tribu...
Esus, lui, est le dieu de la guerre : on le prie pour obtenir la victoire, on lui offre les armes prises à l'ennemi. Le père Esus, s'il faut en croire César, aime bien le sang. Le général mentionne que le « butin vivant » capturé lors de la bataille est immolé au dieu de la guerre. Quelle est la nature exacte de ce butin : chevaux, bétail, prisonniers de guerre... ? Jules ne le précise pas. Mais donne quelques indications sur la cérémonie : les sacrifices se déroulent dans un lieu sacré. Après la mise à mort, les cadavres sont entassés pêle-mêle avec les boucliers, épées, javelots, lances et poignards saisis sur le champ de bataille. Défense à quiconque d'y toucher désormais ! Sous peine de mort...

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Sanctuaire de Gournay, IIIe s. av. J.-C.
En baissant la tête pour manger du fourrage, le boeuf donne le signal de sa mise à mort. Son corps sera jeté dans la grande fosse pour nourrir les dieux souterrains.

Ce rituel est resté, jusqu'en 1975, une charmante digression littéraire de César sur les moeurs des « sauvages » celtes. Cette année-là, l'archéologue Jean-Louis Brunaux découvrait, pour la première fois en France, un sanctuaire dédié au dieu de la guerre, non loin du village picard de Gournay-sur-Aronde. Les fouilles méticuleuses de Brunaux ont permis de reconstruire cet espace sacré et d'imaginer les rites qui s'y pratiquaient au IIIe s. av. J.-C.. Gournay était un vaste enclos (la surface de quatre terrains de basket environ), bâti à flancs de colline et protégé par un fossé et une palissade de pieux.
D'après Jean-Louis Bruneaux, deux sortes de cérémonies religieuses au moins se pratiquaient à Gournay. Un culte au dieu de la guerre, d'abord, comme en témoignent les armes exhibées sur des poteaux dans le sanctuaire. Leur provenance reste mystérieuse : s'agit-il de trophées pris à l'ennemi ou appartenaient-elles à quelques braves de la tribu ? Pour l'instant, l'archéologie ne peut répondre. Les Gaulois laissaient ces armes exposées aux intempéries jusqu'à ce qu'elles tombent d'elles-mêmes de leur support. Elles étaient alors jetées dans le fossé sous la palissade après avoir été brisées, tordues, martelées... En un mot : sacrifiées. Plus de 2000 armes seront ainsi torturées pendant un siècle pour la plus grande gloire d'Esus.
Des fosses au centre de l'enclos étaient vouées aux divinités souterraines. La tribu leur sacrifiait des boeufs et des taureaux. Le sacrificateur, après la mise à mort, balançait le cadavre dans la grande fosse ovale. La bête pourrissait dans ce trou pendant des mois, nourrissant la terre et les dieux de sa chair, En retour, les Gaulois attendaient probablement que les divinités fertilisent le sol et rendent les moissons abondantes. Quand l'animal était réduit à l'état de squelette, on le démantibulait. La tête et la colonne vertébrale filaient tout droit dans le fossé près de la palissade.
Jean-Louis Brunaux a déterré 3000 ossements : de bovins surtout, mais aussi de cochons, de moutons et de chiens. Certaines carcasses portaient des traces de découpe bien visibles, preuve que tous les animaux tués ne pourrissaient pas en terre. Les Gaulois devaient faire la fête et gueuletonner à l'intérieur du sanctuaire. Dans ce fatras d'ossements, Brunaux devait aussi découvrir une soixantaine de restes humains. Les os portaient des entailles faites au couteau. Apparemment, donc, les cadavres étaient soigneusement dépecés avant d'être jetés au fossé. César avait-il donc raison ? Les Gaulois pratiquaient-ils des sacrifices humains ? C'est aller trop vite en besogne : les squelettes ne montraient aucune trace de coup mortel à l'épée ou à la hache. Alors quoi ? Jean-Louis Brunaux penche pour un rite funéraire. Un rite macabre qui aurait exigé que les corps des défunts soient décapités et démembrés...


Tourisme en Gaule


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Lieux de visite en Gaule

Plus de deux mille ans après la défaite de Vercingétorix à Alésia, il ne reste plus grand chose des sanctuaires et des maisons gauloises en bois. Quelques sites en cours de fouilles valent cependant la peine d'être visités. Pour voir la plus belle collection d'ossements gaulois, filez donc à Ribemont-sur-Ancre dans le département de la Somme. L'équipe de Jean-Louis Brunaux est en train de dégager un sanctuaire comparable à celui de Gournay (voir encadré p 21. Mais en version hollyvvoodienne : plusieurs milliers de bras, fémurs, humérus... sont dispersés sur 5 ha (10 terrains de foot) ! Mois de visite recommandés : juillet et août. Même créneau à Bibracte : l'été est la meilleure période pour voir les fouilleurs à l'oeuvre. De la ville gauloise, il ne reste guère que les fondations des bâtiments. Rien de spectaculaire donc. Oubliez temples grecs et pyramides mayas et louez les services d'un guide pour profiter pleinement de la visite. Vous ne regretterez pas la balade. Promis.

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Les fortifications d'Alésia ont été reconstituées à l'archéodrome de Beaune, sur l'autoroute du Soleil

A voir : le quartier des aristos et son bassin d'agrément (la pâture du couvent), la grande villa du parc aux chevaux et la porte du Rebout où les archéologues ont reconstitué un bout de la muraille de la ville. Last but not least : fondus d'archeo, sachez que vous pouvez vous initier à la fouille sur le mont Beuvray, dans le cadre des classes patrimoine. Demandez à votre prof d'histoire de contacter Anne Galan à la base archéologique du mont Beuvray. Tél. : (16) 86.78.61.55.
Si vous allez à Bibracte, profitez-en pour faire un saut à Alésia (commune d'Alise-Sainte-Reine) à 80 km au nord-est du mont Beuvray. Juste pour se faire une idée des lieux. Car la bataille entre Vercingétorix et César n'a pas laissé beaucoup de traces. Les fortifications du général romain ont disparu. Restent les fossés, qui sont en cours de fouille. Par bonheur, l'archéodrome de Beaune, au bord de l'autoroute A6 (à 6 km au sud de l'échangeur du même nom), a eu la bonne idée de reconstituer le dispositif de siège mis en place par César. Spectaculaire ! A voir, la palissade en rondins, les miradors, le double fossé et les chausse-trapes garnies d'épieux, on comprend mieux les raisons de la dé faite. Ne manquez pas non plus la ferme gauloise derrière le rempart. Rien ne manque : la grange, le grenier à blé monté sur pilotis et la clôture en clayonnage pour empêcher le bétail de prendre la clé des champs. Car on a poussé le détail jusqu'à peupler l'enclos avec des animaux aussi proches que possible de ceux qu'élevait le paysan gaulois au IIIe s. av. J.-C. Chevaux et vaches sont de petite taille. Les cochons, couleur charbon, ressemblent aux sangliers. A propos, soyez vigilants : les oies ont une fâcheuse tendance à défendre leur territoire à coups de bec. Gare aux mollets !


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